Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Phototonton
19 février 2016

VOUS AVEZ DIT « PORTRAIT (1)» ?

 

Le thème de ce Phototonton sera (18 février 2016) 

 

VOUS AVEZ DIT « PORTRAIT (1)» ?

Les portraits médusés…

Je l’ai déjà dit (2014/10/05, dans le blog du Sud-Ouest) : les portraits sont d’étranges choses, où l’on montre les autres dans leur intime, comme on les voit rarement : il est rare que, dans la vie courante, on fixe les autres directement au visage, qu’on les scrute, sinon à leur insu. 

Il faut donc d’étranges outils pour réaliser ces étranges choses.

J’y travaille…

IMGP0005M

 

IMGP0047M

Photos Tata Nuguette 

Le « portrait » est enseigné dans les écoles de photo, où l’on insiste surtout semble-t-il sur la maîtrise des éclairages via des systèmes sophistiqués de flashes et de projecteurs, avec « boîtes à lumière », « bols beauté » et tutti quanti bidules, et aussi au travers de mesures très techniques au luxmètre, de luminance ou de lumination et une lourde informatique branchée sur le boîtier de prise de vue. Le tout délivrant en une infime fraction de seconde les éclairs destinés à impressionner le capteur sensible de ce boîtier, lui-même totalement informatisé. Avec des fonds sans plis, et autres accessoires.

Le sujet est capté au 1/1000ème de seconde, ou plus vite encore. Et c’est très souvent suivi d’un long travail de post-production sur Photoshop, destiné à effacer les « trop » ou les « manque » du modèle, souvent lui-même présent non pas comme « sujet », mais comme objet, voire comme support d’un autre objet (robe, chapeau, accessoire publicitairement valorisé). Et l’on obtient alors ces photos de mode ou de pub, calibrées, retouchées sinon refabriquées, aussi glacées que le papier des magasines sur lequel elles sont imprimées. Parfaitement semblables dans leur sophistication indifférente.

Il ne s’agit pas de refuser ces facilités informatiques, pas plus que le peintre ne refuse le pinceau ou la palette ou les couleurs de son époque (jusqu’au Ripolin, sans parler de l’acrylique), ou la toile tendue sur son châssis, mais de les remettre à leur place de moyens. 

Il s’agit de réintégrer de l’alea, du temps pour l’essentiel, dans les choses du portrait. De la lenteur incompressible, cette lenteur qui imposait l’appuie-tête au fauteuil du photographe. Comme à celui du dentiste, car se faire tirer le portrait ne constitue pas une opération innocente.

Comme la lenteur imposée par le « berceau » balancé sur la plaque de cuivre vouée à une « matière noire ».

Et tenter de mettre le « sujet » photographié face à ce qu’il est.

À QUI il est.

Les yeux dans les yeux, comme dirait l’autre [1].

Et nous savons que, si ça ne l’empêchera pas de mentir, du moins cela le contraindra-t-il à SE mentir. Ce qui est différent.

Comme Gustave Courbet dans son autoportrait :

 

Courbet autoportrait -la désespéré

Gustave Courbet « Le Désespéré » (image internet)

devant sa propre image. 

On (ou « IL », si c’est Courbet lui-même qui a proposé le titre) l’a appelé « le Désespéré ». On aurait pu dire « le Surpris », « le Regardant », « l’Écarquillé », « le Fasciné », « Tout ça »…

Lumière dure, gestes expressionnistes, bouche entr’ouverte : il va « dire », justement. SE dire.

En fait, une vision de la Fin du Monde (après sa Naissance)… Fin de SON monde ? On SE regarde. Les yeux dans les yeux ? J’ai déjà entendu dire cela par le menteur fieffé que j’évoquais. Mais SES yeux dans SES yeux… ? Un critère de vérité ? De présence à coup sûr.

Médusé.

Au fait, la Méduse, celle de l’Égide, telle que Persée l’a décapitée tout en restant lui-même invisible, et que montrent Rubens, le Caravage et quelques autres, l’ Égide était-elle effrayante, ou effrayée, ou les deux ?

Des portraits « médusés », « Les yeux dans les yeux » !

Rubens_Medusa_jpeg

Rubens (image internet) 

800px-Medusa_by_Carvaggio

Caravage (image internet)

800px-Medusa_1895

 Carlos Schwabe (image internet)

 

5b156a08cc430c04cdd83da2f17a4d48Arnold Böcklin

Arnold Böcklin (image internet)

Avoués, assumés.

Rares sont les autoportraits qui vont jusque là. 

Il faut tout le génie d’un Rembrandt, pour, au fil des ans, passer d’une représentation de soi  

e__internet_intranet_sfs_CLIO_PHOTOLISTEPHOTOLISTE_20090702164427_remb_600_

à une présentation de soi, sans artifices et SE regardant, calmement, tel qu’il est.

1-autoportrait-deux-cercles-xl

Rares sont les vrais autoportraits en photo : on peut difficilement se trouver devant et derrière l’appareil. Alors, on a recours au miroir le plus souvent. Banalement. Comme les peintres de jadis, en inversant la gauche et la droite, mais avec la possibilité de « miroiter » l’image pour la restaurer dans son sens d’image et non de reflet, d’image d’un reflet, et camoufler ainsi l’artifice… Je voudrais tenter, non pas l’autoportrait…

(Je l’ai déjà fait . Sans miroir, avec la seule aide d’un doigt tiers sur le déclencheur avant de cumuler et de traiter les 64 images obtenues) :

 

1ZC64NBOM

autoportrait Z64 NBO

mais portraiturer d’autres gens en les plaçant dans la situation dans laquelle s’est trouvé Courbet.

Les autoportraits photographiques que je connais (et apprécie) le plus sont le fait de Sally Mann [2] qui en a produit une série assemblée côte à côte de 75 ambrotypes de 10 x 8 inches (25,4 x 20,3 cm), selon le (grand) format de la chambre photographique qu’elle a utilisée, ajoutant trois complications à la prise de vue :

1- le collodion humide, avec le coup de dé de ses plaques fragiles (ici, en verre noir) où l’argent de l’image devient le miroir même de sa représentation,

2- les objectifs anciens et aléatoires qu’elle a utilisés,

3- et une mobilité réduite par les suites d’un accident de cheval

sally-mann-upon-reflection-01

Sally Mann ambrotypes (image internet)

sm-ambro-face042

Sally Mann (image internet)

Je ne tenterai donc pas l’autoportrait [3], mais des portraits « dans le miroir » ou plutôt « au travers du miroir ». Ce qui ramène bien sûr, sinon au dilemme de la Méduse, que j’évoquais plus haut, mais pour le moins à l’Orphée de Cocteau…

"Les miroirs sont ces portes par lesquelles entre la mort. Regardez-vous toute votre vie dans un miroir et vous verrez la mort travailler sur vous".

Et à Roland Barthes [4] qui parle du trouble « mortifère » du portrait :

Lorsque je me découvre sur le produit de cette opération (la photographie), ce que je vois, c’est que je suis devenu Tout-Image, c’est-à-dire la Mort en personne…

Il ne s’agit pas de « comprendre la vie », et si nous revenons à Cocteau [5], qui inverse presque Roland Barthes : « Nous pensons des formes, elles deviennent vivantes sur le papier ou sur la toile sans avoir aucun rapport avec les formes de la vie. Etre sensible à la vérité de ces formes, c’est comprendre l’art.

Comprendre la vie, c’est une toute autre affaire ».

J’ai envie de poursuivre : une toute autre prétention…

Créer des formes-visages à partir de vrais visages. Il faut bien sûr savoir raison garder et ne point trop prétendre. Surtout ne pas prétendre « comprendre la vie », psychologiser oserai-je dire. À peine « créer des formes », comme cette macro, qui peut créer des formes inattendues à partir de 27 clichés : 

16ZB27Pulmonaire

Pulmonaires Z27 

16ZB27PulmonaireNBO

La même, en Noir et Blanc Ortho  

15ZC57renouéeNBO

renouée des oiseaux « Traînasse » Z57 NBO 

 

Allez.

Bon vent.

La prochaine fois, on parlera encore de Portraits…

Le CATALOGUE de tous les Phototontons, c’est ici, tant que dure le blog du Sud-Ouest.

Et n’oubliez pas de relire le Grand Feuilletonton, toujours pas disponible en librairie mais sur le précieux blog de Tonton Raspoutine, où le Naze aussi se raconte : 

 

Si faut croire tout ce que con dit, ça se sauret ! [6]

 

 Mais qui va bientôt passer sur le blog Canal.

 

À SUIVRE…

 

Tonton



[1] Vous voyez à qui je fais allusion ? Il fut un Officiel !

[2] The Flesh and the Spirit  (Virginia Museum of Fine Arts)

[3] À cet égard, les « selfies », très mode, ne sont ni des portraits ni des autoportraits. Juste des images d’autopromotion narcissique sans intérêt. Le portrait manifeste une volonté plus profonde. Un caractère plus délibéré.

[4] Roland Barthes - La Chambre claire

[5] Jean Cocteau - Essai de critique indirecte

[6] Comme disait Ensor (car l’Art Ensor)…

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Phototonton
Publicité
Archives
Publicité