PORTRAIT (3)
Le thème de ce Phototonton sera (avril 2016)
VOUS AVEZ DIT « PORTRAIT (3)» ?
Portraits persiques ou Portraits orphiques ?
Narcisses Février 2014 Z34
Voilà.
La « Boîte à Visages » est achevée[1].
Presque achevée.
Il reste à régler quelques (nombreux, mais je dirai « quelques ») détails.
Premiers essais[2].
Difficiles : manque de stabilité (maintenant renforcée), reflets dans le miroir, buée… Telle que je l’ai conçue, la BàV (la Boîte à Visages) autorise deux types de « portraits[3] » que je qualifierai « de persiques » ou « d’orphiques ».
« Portraits » persiques :
De face, « les yeux dans les yeux », le Sujet se regarde. Immobile. Au cœur du miroir.
avec reflets… Z19
avec buée… Z29
en fin de compte, à peine recadré, sans soutien RVB… Z18
La même + RVB en S Toujours Z18 persique
Le même, réduit au NBO + traitements divers
Le même, réduit au NBO + autres traitements
Le REGARD est toujours présent, malgré ces « traitements », assez peu intéressants par ailleurs.
Ainsi, Persée, invisible, a-t-il regardé la Méduse dans le miroir de son bouclier avant de lui trancher la tête…
Mon objectif fixe le Sujet qui se fixe lui-même, au travers du miroir, pour lui opaque.
Le miroir se trouve au centre des préoccupations.
Il implique que le « Sujet » se contemple, contemple SON image.
Et il s’agit bien d’une image en soi. Pas d’une projection de la personne qui se prête au jeu de l’image.
Il implique que le regard que l’on se porte se trouve, normalement, médusé, normalement menacé, par cette immense pétrification qui ne peut QUE survenir, ainsi que l’a constaté Narcisse qui s’y est noyé (l’eau demeure « minérale ». C’est une forme de pierre. Se noyer, comme pétrification).
Pétrification qui survient fatalement, même lorsque la Méduse a été décapitée.
Le Narcisse, ne l’oublions pas, comme la Méduse (la Gorgone), reste en étroite liaison avec le Monde des Morts…
Je commence par chanter Déméter aux beaux cheveux, vénérable Déesse, elle et sa fille aux belles chevilles qu'Aidôneus[1], du consentement du retentissant Zeus au large regard, enleva loin de Déméter à la faucille d'or et aux beaux fruits, comme elle jouait avec les filles aux seins profonds d'Okéanos, cueillant des fleurs, des roses, du safran et de belles violettes, dans une molle prairie, des glaïeuls et des hyacinthes, et un narcisse que Gaia avait produit pour tromper la Vierge à la peau rosée, par la volonté de Zeus, et afin de plaire à Aidôneus l'insatiable. Et ce narcisse était beau à voir, et tous ceux qui le virent l'admirèrent, Dieux immortels et hommes mortels. Et de sa racine sortaient cent têtes, et tout le large Ouranos supérieur, et toute la terre et l'abîme salé de la mer riaient de l'odeur embaumée.
Et la Vierge, surprise, étendit les deux mains en même temps pour saisir ce beau jouet ; mais voici que la vaste terre s'ouvrit dans les plaines de Nysios, et le Roi insatiable, illustre fils de Cronos, s'en élança, porté par ses chevaux immortels. Et il l'enleva de force et la porta pleurante sur son char d'or.
Homère, Hymnes homériques n°12, à Déméter
Hadès (le roi des Morts) survient et enlève sur son char celle qui cède à l’attrait du Narcisse…
C’est à cela que pensait Roland Barthes ?
Il y a une bonne quarantaine d’années, j’écrivais, dans « Delphes », (que je vais bientôt republier dans le Feuilletonton et où j’inclurai certaines de ces images) :
la fleur est délicate, elle émane des morts ;
pétales accolés au calice de soufre par six et deux fois trois, trois et trois, et l’un d’ensemble est trois, déchiré aux chemins convergents des regards.
Je relis (pour en ressaisir le texte avant de le rediffuser en feuilletonton) cette publication ancienne, que j’avais un peu oubliée, et j’y découvre l’importance de la place qu’y occupait le miroir, et l’aspect « prémonitoire » de certains passages.
En fait, et sans que je le veuille vraiment, ma vie a souvent suivi les espaces que j’y avais esquissés.
Bref.
J’ai rencontré bien des difficultés pour mettre au point cette Boîte à Visages, comme je l’ai dit.
Difficultés d’abord liées au fait que des reflets venaient perturber les résultats. J’ai supprimé ces reflets en les étouffant sous des voiles. Un à un, en identifiant leurs sources. La danse des voiles. Quatre à ce jour. Parviendrai aux 7 ? Je n’ai rien de Salomé !
J’ai ainsi pu éliminer presque tous les reflets : mais les ultimes restent inamovibles, même au filtre polarisant.
Leur survenue est normale dans ces circonstances. Surtout en low key[4] (reflets blancs de l’objectif et de ses marques et monture, que je dois bien placer quelque part sur le fond noir de l’image).
Persée lui-même n’est-il pas resté attaché à ces reflets, lui qui a fini par offrir le tête de Gorgone à Athéna ? Qui en perpétua l’usage pétrifiant en la fixant à son égide, son bouclier, selon certains, ou sa cuirasse, selon d’autres. Peu importe où a fini cette tête. Peut-être rôde-t-elle dans le Malpertuis de Jean Ray ?
Préméditation de Persée ?
Ainsi le reflet peut-il engendrer le reflet en faisant perdurer ses effets…
Buée aussi…
Buée d’efforts piégée par les voiles…
Buée sur le grand miroir ou sur celui du boîtier. La visée est difficile quand l’écran s’éteint dans la rafale. Il vaut mieux recourir à la visée optique. Au miroir réflex qui peut s’embuer, lui…
La Boîte à Visages (PTN[5])
« Portraits » orphiques :
J’y ajoute le temps et le mouvement. Orphée traverse le miroir et rencontre des mots… Orphée rencontre des mots et traverse le miroir… Orphée rejoint le monde d’Eurydice. Le monde des morts que Roland Barthes avait évoqué. Quitter le monde des mots pour rejoindre le monde des morts… Comme l’Orphée de Jean Cocteau… On quitte l’évocation pour l’invocation.
Je n’irai pas jusqu’à dire, comme le fait Rimbaud dans le prologue d’Une Saison en Enfer, que « Sur toute joie »…
L’âge n’est pas le même et je suis jeune depuis beaucoup plus longtemps que lui.
Et puis j’use d’autres biais (photo, ordinateur).
J’ai ajouté des mots, et, dans ma Boîte à Visages, j’ai fixé tout mouvement qui n’est celui des yeux ou de la bouche. Le fauteuil rescapé de la Perception de Blaye et l’appuie-tête métallique aident le Sujet à rester immobile.
J’ai choisi les mots, de François Villon à Yves Bonnefoy, en passant par de multiples autres, connus ou moins connus.
Et je choisis les lignes.
Un bon ami m’a dit, il y a quelques temps, qu’il suffisait d’acquérir le matériel, photographique et informatique pour faire « cela ». Sans doute. Mais à ce titre, il suffirait d’acquérir un crayon et des pinceaux pour devenir Rembrandt ou un autre… Non que je me compare ! Quelle prétention il y aurait là pour moi qui suis graphiquement incapable d’autre chose que de regarder, voir ou saisir les images via mon boîtier, pour les mûrir dans les méandres de mon ordinateur. Et de ma cervelle. Déjà, pour Rimbaud...
Je comparais la démarche, le VOULOIR FAIRE, le DEVOIR FAIRE…
Orphée
Admirez le pouvoir insigne
Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre.
Apollinaire 1911
J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
Rimbaud Phrases 1873 ?
Il me faut « danser »…
Introduire un mouvement, qui cherche le mot, la lumière, la forme loin du regard, de la ligne, et où s’inscrivent le nombre ? la forme ? les mots ?
Un mouvement qui cherche…
Passer la porte de verre du miroir, via les mots et surtout les images qu’ils vont générer…
orphique Z72+DM
orphique Z57+DM. Non, ce n’est pas la planète Mars
Ces images additionnent le résultat d’une zédation et de sa carte de profondeur.
L’image suivante est traitée différemment.
Persique, elle ne considère que la Carte de Profondeur et en devient très suggestive, d’une étrangeté latente… :
persique Z18 DM
Il serait intéressant de travailler tout cela en taille douce, non ?
Plus tard sans doute, avec des photopolymères : je suis jeune depuis trop longtemps maintenant pour pratiquer assez certaines techniques plus lentes…
Et puis, on traverse le miroir…
orphique Z88 RVB en S
orphique Z72[6]+DM
On traverse, vous dis-je…
Bien sûr, on n’est pas dans le « portait ». On est au-delà.
Et tout cela par une simple lecture mnémotechnique de π.
On reste très loin des cartes postales que de nombreux photographes, hélas, semblent se poser comme idéal.
En fin de compte, ce ne sont donc pas des « portraits ». Ce sont des images…
Faites pour parler à notre esprit. pour évoquer.
Pour « invoquer ».
Pas pour « représenter », « figurer », « montrer ».
Alors, le maquillage, la coiffure…
Ce ne sont pas des « photos ».
Pour cela, vous avez vos magasines habituels.
Comme une fleur dans le vent, qui bouge, qui danse, ce sont des IMAGES…
amandiers Z72
amandiers Z72 + DM
Allez.
Bon vent.
La prochaine fois, on parlera encore d’Images. Mais revenons à Delphes, puisque j’ai employé les images\essais de Boîte à Visages
Courbe inversée de la Carte de Profondeur d'une Zédation de 72 images d'un " portrait orphique " en Boîte à Visage avec une lecture de Port perdu, silence d'harmonie, parfaite dureté, logique de clarté. Port perdu. Ainsi souvent : l'esprit blanc. Mais de plâtre, opaque. Densité. Blanc plâtreux.
http://tontonraspoutine.blogs.sudouest.fr
pour en illustrer le début…
Le CATALOGUE de tous les Phototontons, c’est ici, tant que dure le blog du Sud-Ouest.
Et n’oubliez pas de relire le Grand Feuilletonton, toujours pas disponible en librairie mais sur le précieux blog de Tonton Raspoutine, où le Naze aussi se raconte :
Si faut croire tout ce que con dit, ça se sauret ! [7]
Mais qui va bientôt passer sur le blog Canal.
À SUIVRE…
Tonton
[1] Elle est TRANSPORTABLE, après que le châssis est démonté, elle peut prendre place dans un fourgon ou dans une remorque et « opérer » où on le veut pour qui le veut.
La prise de vue est donc « délocalisable », ce qui n’est pas le cas du traitement et du tirage des images obtenues.
[2] Je veux remercier Ma Chérie pour la patience insigne dont elle a fait preuve comme MODÈLE à mes improvisations…
[3] L’explication des guillemets à la fin du Phototonton.
[4] Ambiance sombre, par opposition au High key, ambiance claire. La B à V offre les deux possibilités par un jeu de volets noirs ou blancs et le choix des éclairages. On pourrait les faire correspondre aux clés de sol et d’ut pour la high key, à la clé de fa pour la low key…
[5] Photo Tata Nuguette
[6] Zédation de 72 images traitée ici en Noir et Blanc orthochromatique
[7] Comme disait Ensor (car l’Art Ensor)…